Par une glaciale soirée d’hiver je m’enfonce dans une zone artisanale afin de participer à une dégustation un peu spéciale. A Anglet, dans leurs nouveaux locaux, les dirigeants de Kupela vont bien vite me réchauffer. Au menu, une partition culinaire signée Lionel Elissalde et, dans le verre, du nectar de pomme revisité par un duo qui dépoussière le cidre basque.

Photos: Yannick Revel
A peine plus de deux ans et Xalbat Seosse Oxarango et Bastien Dufau sont en passe de réussir leur pari. Le constat est simple ; très consommé en Pays Basque Sud, le cidre basque peine à s’imposer dans les habitudes alimentaires du côté nord des Pyrénées. En rajeunissant son image et en adoucissant son goût, ils parviennent désormais à séduire un public plus large.
Coup de jeune sur le cidre basque
Le nouveau souffle commence par le look. Un logo au design réussi rappelle les racines marines du Pays Basque. Quant aux flacons, ils sont habillés d’étiquettes colorées et même déclinés en version 33cl, comme une bouteille de bière. Mais l’apparence ne fait pas tout. La plus grande réussite se trouve sous le bouchon. Pour élaborer un cidre différent, les deux jeunes hommes font appel à Agustín Etxeberria, patron d’une cidrerie à Astigarraga, la Mecque de l’élixir de pommes. Avec lui, ils conçoivent une gamme de cidres, de vins et de jus de pommes, avec un nouveau souffle mais sans jamais trahir la tradition.
Composé avec des pommes exclusivement cultivées au Pays Basque, les produits Kupela (outre les jus) se déclinent en deux versions. L’une est pétillante, fraîche et se rapproche de l’idée que le public français pourrait se faire d’un cidre, tout en conservant son caractère local. L’autre est issue d’un procédé différent, la vinification du moût de pomme. A ce sujet Bastien nous rappelle l’étymologie du mot sagardo (cidre en basque). « Il ne faut pas oublier que sagardo vient des mots sagar qui signifie pomme et ardo qui veut dire vin » précise-t-il. D’ailleurs, comme le nectar de raisin, il est mûri en tonneau (kupela en basque). Le résultat est fruité, avec plus de structure et de complexité que le cidre classique. Et surtout, l’amertume souvent reproché au cidre traditionnel disparaît totalement. Ce qui n’est pas pour déplaire aux hommes, comme aux femmes.
Ces boissons non sucrées constituent une alternative intéressante aux rouges, rosés ou blancs débouchés usuellement au cours d’un repas. Et mieux qu’un long discours, la preuve passe par les actes et plus précisément par les fourneaux de Lionel Elissalde. Le trublion gastronomique du restaurant Chez Martin compose une harmonie de saveurs en parfait accord avec la gamme de son hôte. Avec un demi-sec clair et légèrement acidulé, il associe de petites barques dont les passagers sont la truite de Banka, l’avocat, le pamplemousse et une mayonnaise à l’encre de poulpe. Toujours sur le même flacon, il poursuit avec un œuf fermier d’Arradoy accompagné d’artichaut et d’une fine chiffonnade de cecina. La fraîcheur et la finesse du cidre balance avec la riche onctuosité des aliments.
Un breuvage passe-partout
Les agapes s’enchaînent au son des chants basques avec un vin de pomme à 6°. Frais et rond à la fois, il se marie à merveille avec le cabillaud skrei posé sur une pulpe de potimarron. Il s’équilibre aussi sur la txuleta d’Agustín Etxeberria (encore lui) cuite à la plancha. Enfin, que dire de l’accord avec le fromage de brebis ? Bien meilleur ainsi qu’avec du vin rouge, indéniablement.
Un parcours sans faute pour démontrer la pertinence de cette boisson, ailleurs que sur un goûter sucré. Car comme le clame Xalbat : « ici au Pays Basque, le cidre, c’est pour boire avec les pintxos, pas avec les crêpes » !
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