A quelques kilomètres d’Agen, les vignerons du Brulhois ont conçu une expérience de dégustation unique. Emblème de leur terroir, le Vin Noir se découvre dans l’obscurité la plus totale. Une perte de sens déroutante et pédagogique tant sur l’œnologie que sur le cerveau humain.

Photos: Yannick Revel
Arrivé dans le Lot-et-Garonne par sa ville principale, j’entamais mon périple dans le département par une virée en vélo dans la ville. Après cette agréable boucle, je reprends le volant direction Layrac où se situe le Cellier du Brulhois. Sur ce terroir, la vigne est travaillée depuis l’époque romaine. Aujourd’hui, les raisins du cru donnent des nectars de toutes les couleurs ; rouge, rosé, blanc. Mais le flacon emblématique de la coopérative est sans aucun doute le Vin Noir.
Sur ces coteaux de la Garonne, les sols riches en oxyde de fer donnent aux vins couleur et typicité. De cépages Tannat, Merlot et Cabernet Franc, le Vin Noir marie fruit et puissance sous une robe sombre. De sa teinte est né son nom, puis de son nom est venue l’idée d’une expérience. Celle de faire (re)découvrir le vin dans le noir. Attention, il ne s’agit pas là d’une classique dégustation à l’aveugle mais bien d’un plongeon dans le monde de l’obscurité.
Elaborée en partenariat avec l’association agenaise de non-voyants Voir Ensemble, la mise en situation est bien plus qu’une dégustation. Tout démarre à l’entrée dans la salle, ou l’on doit placer sa main sur l’épaule de son prédécesseur pour avancer. Lorsque l’arrêt est marqué, on tâtonne pour trouver ses marques et comprendre où il faut s’assoir. Une fois sur la chaise, les doigts pianotent sur la table positionnée devant soi, sur laquelle divers objets sont disposés. Je ne vous raconte pas tout mais sans surprise, parmi eux figure un verre.
Il faut le saisir, se servir puis procéder aux étapes d’une dégustation sans le moindre rai de lumière. Pas évident au début mais on s’y fait assez vite. Le plus surprenant reste les réactions des narines et du palais en contact avec le premier verre. Peu à peu, les défenses naturelles baissent leurs gardes, et les sens se développent. Plus on avance et plus les arômes sont ressentis, plus la perception s’affine. Ce phénomène nous est expliqué par Frédéric Sieurac des Vignerons du Brulhois : « la vue accapare 70% de notre cerveau, une fois obstruée, ces capacités se diffusent peu à peu vers les autres sens ».
L’autre phénomène notable est la désinhibition. Non pas par l’alcool mais par le noir. Sans le regard d’autrui, la prise de parole est facilitée. Les participants n’hésitent pas à se prononcer sans appréhension puisque tout le monde est sur un pied d’égalité. Cette surprenante odyssée dans le noir nous fait perdre de façon excitante tous nos repères, à commencer par celui du temps. A la fin de la séance, lorsque Frédéric demande combien de temps nous avons passé ici, les réponses s’étalent du simple au triple. Le temps comme le goût reste une affaire de perception et cette expérience unique le rappelle de façon ludique, en toute modestie.
Retrouve l’intégralité de mon périple en Lot-et-Garonne
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