Entre deux expéditions, Loury vit à Biarritz. Mais il n’y reste jamais très longtemps. L’aventurier a la bougeotte et prépare toujours son prochain périple. Dans un mois, il s’apprête à défier le Vatnajökull pour traverser en solitaire la plus grande calotte glacière d’Europe en Islande. A quelques semaines de son départ, j’ai rencontré cet attachant papa aventurier pour parler avec lui de voyage, de dépassement de soi, de psychologie, de passé, d’avenir et de famille. Pour parler de la vie en somme.
Loury, quel est ton métier aujourd’hui ?
Mon métier c’est explorateur, j’essaie d’en vivre un maximum. Pour cela, il y a les explorations en solitaire mais aussi les stages de survie que j’essaie d’organiser pour les adultes mais aussi bientôt pour les enfants afin de leur apprendre à se débrouiller dans la nature.
Est-ce qu’on en vit vraiment ?
Non, pas encore. Parce qu’il y a beaucoup de travail à effectuer vis-à-vis des sponsors et pour ça c’est un peu le serpent qui se mord la queue. Pour avoir des sponsors, il faut se faire un nom et pour se faire un nom, il faut avoir des sponsors. Aujourd’hui, je suis pile entre les deux car j’ai des expériences en termes de survie et de sponsoring mais je cherche désormais des sponsors qui pourront m’accompagner sur du long terme, pour aller plus loin dans l’aventure.

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Comment devient-on aventurier, expert en survie et en expédition solitaire ?
On ne le devient pas du jour au lendemain. Déjà, mon premier voyage était en solitaire et dans des conditions extrêmes. J’ai traversé les Etats-Unis pieds nus et il m’est arrivé beaucoup de péripéties comme me perdre dans les Everglades sans manger pendant deux jours ou encore me faire piquer par un scorpion dans le Grand Canyon. Depuis, j’ai voyagé entre amis, en famille, en sac à dos ou en voyage « commercial ». Mais c’est l’expédition extrême que j’aime, pour le dépassement de soi-même. Je recherche la difficulté, j’ai besoin de me prouver que je suis capable de me dépasser tant sur le plan physique que psychologique.
C’est pour te sentir plus vivant que tu as besoin de te mettre en danger ?
Exactement ! J’aime me mettre en danger, c’est comme ça que je me sens le plus vivant. Je suis quelqu’un d’hyper réaliste ; je me lève tous les matins en sachant que je vais mourir. Cette philosophie me permet de faire tous les jours des choses complètement différentes et de ne faire entrer dans ma vie que des choses qui me rendent heureux. Pour ça, je suis ultra détaché des problématiques de la vie courante, des choses futiles. Je veux profiter à 300% et être heureux le plus possible.
On peut dire que tu es en quête d’une certaine plénitude ?
C’est une recherche personnelle, et effectivement, ces expéditions extrêmes me procurent un sentiment de bonheur, de plénitude. Je ne vis pas dans l’utopie que tout est possible ou que tout va arriver demain. Je vais chercher ce qui me rend heureux tout en gardant en tête que la mort peut arriver en traversant sur un passage piéton.

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Tu es papa, comment les autres membres de la famille appréhendent tes départs ?
L’arrivée des enfants m’a apporté une peur supplémentaire qui me maintient encore plus à la vie. Ça me donne une force dans des moments difficiles et ça m’affaiblit dans les choix de destination. Il y a beaucoup de discussion à la maison avec les enfants et leur maman, on essaie de préparer ça au mieux. J’organise aussi une présence pendant mon absence comme une chasse au trésor avec une vidéo par jour. Ainsi, je mets en place des choses créatives pour qu’elles sentent malgré tout ma présence. Cette préparation familiale en amont est tout aussi importante que la préparation physique et technique.
Et puis, j’ai aussi tiré des leçons des expériences précédentes. Le « zéro contact » pendant une longue période a été une erreur que je ne reproduirai plus. J’essaie d’y palier et les sponsors aident en ce sens pour avoir un téléphone satellite et ainsi prendre et donner des nouvelles. Cela rassure dans les deux sens.
À ton palmarès figure la victoire à l’émission « Retour à l’instinct primaire » sur RMC Découverte. Peux-tu résumer cette aventure ?
Ma participation s’est faite de façon inattendue. Je venais de fermer une de mes entreprises et j’avais besoin d’un gros break. J’étais donc parti en expédition en Asie et pendant ma remontée du Mékong en pirogue, je fais la connaissance d’un français qui me parle de cette émission. Au moment de se quitter, on échange nos mails et nos informations pour se donner des nouvelles. Un mois plus tard, je reçois un appel d’une directrice de casting. Il m’avait inscrit à l’émission « à l’insu de mon plein gré » !
En mars 2018, me voilà donc parti pour le tournage en Afrique du Sud. C’est un climat très dur, plus de 40° la journée, environ 10° la nuit. A cela s’ajoutent la pluie, le vent et faune. L’émission au départ en binôme s’est transformée en expérience solo car la personne avec qui j’étais a été arrêtée au 4ème jour. Malgré tout, ça a bien marché pour moi. J’ai même fait le record d’audimat de la chaîne avec plus de 800.000 spectateurs. Du coup je suis en pourparlers pour de nouveaux programmes TV en 2019.

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As-tu tiré profit de cette exposition médiatique ?
L’exposition m’a apporté deux choses. Je n’étais rien avant et cela m’a assis un peu en tant que professionnel. Ensuite des débouchés sur d’éventuelles émissions en cours d’écriture.
Parlons de ta prochaine expédition, quel est le défi ?
Ma prochaine expédition s’appelle Eruption, 1350km dans des conditions extrêmes en Islande. Le défi est de traverser la plus grande calotte glacière d’Europe. Pour cela je vais ouvrir une voie qui n’a encore jamais été pratiquée sur le Vatnajökull. Il va falloir esquiver les crevasses en solitaire et lutter contre les éléments en ski de randonnée. Au total c’est 50 jours d’autonomie. C’est un projet à la fois sportif et écologique. Dans la préparation, je réduis mes dépenses carbones, j’utilise des matériaux biodégradables. Pendant l’expédition j’ai décidé de ramasser tous les déchets que je rencontrerai sur ma route. Je ne prône pas de grandes valeurs écologiques mais je suis juste respectueux de l’environnement dans lequel j’évolue.

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Pourquoi avoir choisi ce défi ?
Parce que je vais en chier et que j’aime quand c’est difficile! C’est ma première expédition en milieu froid. L’extrême froid m’attire, c’est complètement aux antipodes de ce que je suis. De base, je suis quelqu’un de plutôt bourrin qui s’en sort par la débrouillardise. Ici on est dans une planification méticuleuse. C’est une vraie évolution pour moi en tant qu’explorateur.
Je pars aussi du principe qu’un explorateur doit être un couteau suisse, capable de survivre en désert chaud comme dans le grand froid. Il faut donc partir à la recherche des endroits les plus retranchés. L’Islande pour cela est un pays accessible contrairement au Groenland où il est interdit par les autorités de partir en solitaire. Ce n’est pas très loin mais le climat est très dur (plus qu’au Groenland) à cause du vent. Il s’agit d’une étape importante pour moi, qui marquera le passage vers le professionnalisme.
Au niveau de la préparation, quelle est la grosse différence entre une expédition en milieu chaud ou froid ?
Il y a une très grosse préparation au niveau technique avec une connaissance du terrain indispensable. La préparation se fait par des mises en situation donc je vais à la montagne, je dors dans des réfrigérateurs, je m’exerce en alpinisme… je me rapproche au plus près des conditions que je vais trouver là-bas. Je cours beaucoup aussi car il va falloir que je marche. La grande différence c’est surtout le côté technique et stratégique.

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Es-tu prêt aujourd’hui pour cette expédition islandaise.
Je ne me sens pas encore tout à fait prêt physiquement, je pense que j’ai besoin de plus pousser à l’extrême. Pour cela je m’entraine tous les jours. Je parfais ma préparation technique sur l’aspect connaissance du terrain. Je passe beaucoup de temps à parler avec les autorités locales, avec des gens qui ont fait ce genre de traversée, avec des experts de ce climat, je me documente beaucoup.
Il y a aussi l’aspect financier où tout n’est pas encore bouclé. J’ai encore besoin d’argent et de matériel. Dans cette optique, j’ai des contacts avec des sponsors, je fais des plateaux radios et il y a aussi l’opération de financement participatif lancée sur Ekosea.
Tout le monde peut-il faire ce genre d’expédition ?
Tout le monde peut se lancer mais tout le monde ne réussira pas. Les deux critères essentiels qui font la réussite ou non sont le mental (avant, pendant et après), et la connaissance technique du terrain et du biotope dans lequel on va évoluer. Après il y a quelque chose que je possède et que tout le monde n’a pas ; c’est l’instinct de survie. C’est quelque chose qui vient des tripes, c’est réfléchir intelligemment en très peu de temps, et c’est aussi positiver dans n’importe quelle situation.

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Qu’est ce qui te différencie des autres aventuriers ?
Cet instinct de survie qui fait que je me débrouille en toute situation et que je sais rebondir. Je ne suis bon nulle part mais je m’en sortirai toujours. Je n’excelle pas dans un domaine en particulier, je ne suis pas un crack en alpinisme ou un champion en escalade mais par contre je suis un touche à tout et la différence entre un as et moi c’est que je ne lâche jamais !
Il ne t’est jamais arrivé d’abandonner ?
Je n’abandonne jamais mais il y a une nuance entre la situation d’échec et l’abandon. Ce n’est pas parce que j’abandonne que je suis en situation d’échec et inversement. Tout cela est psychologique et dépend de la façon dont on prend les choses. Parfois j’ai du renoncer mais ce n’était pas un échec. J’ai renoncé car je n’étais pas prêt et que j’allais mourir. D’autre fois, alors que je restais chez moi à ne rien faire sur son canapé, j’étais vraiment en échec. Ce qui m’anime le plus, c’est de savoir ce dont je suis capable, jusqu’où je vais aller, comment je vais m’en sortir… Parce que de toutes les façons, je sais que ce sera une bonne expérience.
Entre deux expéditions, tu restes tranquille parfois ?
Je m’occupe beaucoup de mes enfants quand je suis là, j’ai à cœur d’être exceptionnel avec eux. J’emmène aussi mes filles dans mon univers. Récemment, on a fait une ascension de 8h30 (aller-retour). Sinon, je suis un hyper actif, je fais beaucoup de sport, j’ai aussi envie d’écrire des livres « food » car j’ai totalement changé mon alimentation désormais basée sur la naturopathie.
Au fond, qu’est ce tu recherches vraiment?
Vivre à 3000% !
Auteur : Yannick Revel
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